Je suis dans une petite salle au salon de la mobilité Mobile World Congress (MWC) de Barcelone. Devant moi, une grosse pièce électronique qui m’est inconnue doit être réparée. Dans le casque placé devant mes yeux, des menus surgissent comme par magie dans les airs pour m’enseigner la marche à suivre, une étape à la fois. Une flèche géante m’indique quel câble prendre et par où le faire passer.
Quand je dois le glisser à l’intérieur de la pièce, les contours internes de cette dernière apparaissent en trois dimensions pour guider mes mains, et quand je dois le brancher, des X rouges s’affichent au-dessus des ports à éviter et un grand cercle blanc entoure le bon. En quelques minutes, la pièce est réparée, sans que personne n’ait eu à me diriger.
Le scénario mis en scène au MWC est bien réel. La grosse pièce en question est un pylône d’aéronef, l’élément qui relie le moteur d’un avion à l’aile, et cette manœuvre doit être effectuée par des travailleurs, qui obtiennent également leurs consignes grâce à un guide projeté dans le casque de réalité augmentée Hololens de Microsoft.
«De nombreuses industries manquent de personnel et il est de plus en plus difficile de former les nouveaux employés», m’explique Charla Pereira, la designer senior qui a conçu le guide. Avant la réalité augmentée, ces travailleurs devaient plutôt suivre des instructions complexes, indéchiffrables pour les non-initiés.
La réalité augmentée est une technologie où des éléments virtuels s’intègrent dans le monde réel. Celle-ci peut se faire simplement au travers d’un écran de téléphone intelligent, comme dans le jeu Pokémon Go qui permet de chasser des créatures dans la nature ou dans l’application IKEA Place qui dispose des meubles directement dans son salon.
À l’heure actuelle, l’usage le plus pratique de la réalité augmentée est toutefois dans les entreprises, grâce à des casques dédiés comme le Hololens ou le Magic Leap One. Leurs multiples capteurs créent des expériences plus réalistes qu’avec un téléphone, et leur placement sur la tête libère les mains de l’utilisateur.
Un travailleur en zone éloignée n’a ainsi qu’à enfiler l’appareil pour se faire guider étape par étape, que ce soit avec un guide conçu à l’avance comme dans l’exemple ci-haut ou en direct par un expert à distance. L’employé effectue les manœuvres appropriées tandis que le spécialiste peut suivre la procédure grâce à la caméra intégrée au casque.
Le casque Hololens est aussi utilisé à la Station Spatiale Internationale. La technologie intéresse des hôpitaux et Microsoft a signé un contrat pour l’adapter pour l’armée américaine, au grand dam de certains employés de l’entreprise.
Microsoft ne divulgue pas combien de casques Hololens de première génération ont été vendus depuis son lancement officiel il y a un peu plus de trois ans. «Des centaines de compagnies ont déployé la technologie, et elle est utilisée par des milliers de travailleurs» indique toutefois Craig Cincotta, le directeur sénior responsable des communications pour la réalité augmentée chez Microsoft.
Une version 2.0 améliorée
La technologie est encore loin d’être la «prochaine révolution informatique» parfois annoncée, mais sa popularité risque quand même d’augmenter avec l’arrivée du Hololens 2, qui corrige les trois principaux problèmes de son prédécesseur.
Le casque est tout d’abord beaucoup plus confortable que celui de première génération. Il pèse moins lourd sur le front, il s’enfile plus facilement et on peut le porter pendant plus longtemps avant qu’il ne devienne gênant. Il conviendrait aussi à plus de tailles et formes de têtes différentes, en plus d’être compatible avec les lunettes de prescription. Personnellement, le Hololens 2 ne m’a pas dérangé en 15 minutes d’utilisation, alors que son prédécesseur m’a toujours incommodé dès les premiers instants.
L’appareil pourra également être adapté aux besoins des entreprises, pour l’intégrer directement à un casque de construction, par exemple.
Technologiquement, la zone dans notre champ de vision qui présente les informations virtuelles est deux fois plus grande qu’auparavant. Celle-ci est encore restreinte, puisque des hologrammes ne peuvent être vus dans notre vision périphérique, mais l’amélioration est notable, et rend l’utilisation plus agréable. Cet angle de vue et la résolution de l’image affichée sont deux des éléments qui devront être perfectionnés au cours des prochaines générations.
Des outils ont également été développés pour accélérer le déploiement de la réalité augmentée par les entreprises. L’application pour réparer le pylône d’avion a par exemple été conçue avec un nouveau logiciel facilitant la création de guides. «Un travail qui prenait auparavant trois mois peut maintenant être fait en trois jours seulement. C’est aussi facile de créer un guide en réalité augmentée que de faire une présentation PowerPoint», explique Charla Pereira.
Quelques nouveautés du casque Hololens 2 pourraient en outre pousser les entreprises à imaginer de nouveaux usages.
L’appareil permet désormais de suivre nos yeux, pour sélectionner par exemple un objet sans bouger sa tête. La technologie fonctionne quand même assez bien et peut être utilisée à plusieurs sauces. Microsoft a ainsi présenté dans une autre démonstration du texte qui défile automatiquement à mesure qu’on le lit, puisque Hololens 2 sait exactement quel mot nos yeux regardent.
Le casque peut aussi maintenant reconnaître les mains et les doigts. Des boutons peuvent être sélectionnés en appuyant dessus dans les airs, et des hologrammes peuvent être déplacés, agrandis et tournés avec nos mains. Il est facile d’imaginer par exemple comment l’affichage d’un objet en trois dimensions et de toutes ses pièces internes pourrait être utile pour un ingénieur.
Il est en plus possible de contrôler le casque avec la voix. Chaque entreprise doit bien sûr choisir la meilleure solution pour ses besoins (la reconnaissance vocale est notamment moins adaptée à un milieu bruyant comme dans une usine).
Dans une autre démonstration au MWC, effectuée cette fois-ci par l’équipementier Ericsson, des casques Hololens de première génération étaient employés avec des capteurs de Kinect pour permettre une vidéoconférence holographique entre deux utilisateurs. Notre collègue apparaît alors devant nous, dans notre propre environnement, sous la forme d’un hologramme, et vice-versa. Le résultat est fascinant et devrait être encore meilleur avec les technologies dévoilées au salon.
La présence du casque sur la tête de l’autre nuit un peu à l’immersion, mais la conversation se fait naturellement, comme si notre interlocuteur était en personne avec nous. Selon Ericsson, l’arrivée des réseaux de communications 5G de prochaine génération plus performants pourrait faciliter le déploiement de solutions du genre.
Encore loin d’un casque pour le grand public
À 3500$ US, soit 1500$ américains de moins qu’auparavant, les Hololens 2 sont encore beaucoup trop chers pour le grand public, et Microsoft ne s’en cache pas. «Mais ce n’est pas grave, car pour nous, la réalité augmentée est une technologie à long terme. Il n’est pas difficile d’imaginer où elle s’en va, et comment les consommateurs pourraient un jour en bénéficier, peu importe que ce soit dans 10 ou 20 ans. Mais c’est important d’y aller étape par étape et de ne pas trop mousser la technologie pour ne pas créer de désillusion», explique Craig Cincotta.
Cette désillusion avait d’ailleurs fait mal à Google et à ses Google Glass, des lunettes de réalité augmentée dont les promesses démesurées au grand public ont failli tuer le projet.
Microsoft n’offre aucune prédiction par rapport au temps qu’il faudra pour que l’on retrouve Hololens dans les maisons des consommateurs. Chose certaine, l’immersion devra être encore meilleure qu’elle l’est à l’heure actuelle, le casque devra être beaucoup plus petit – peut-être comme des lunettes, justement – et le prix plus abordable.
Si on tient compte de l’évolution des Hololens entre la première et la seconde génération, il faudra vraisemblablement attendre encore plusieurs générations d’appareils avant que toutes ces conditions soient réunies.