Complémenter l’enseignement, faciliter la lecture chez les enfants atteints de troubles d’apprentissage, compenser les inégalités sociales quand vient le temps d’avoir accès à un réseau de mentors ou à un professeur spécialisé : les technologies ont beaucoup de bons côtés lorsqu’elles sont bien utilisées. Mais alors que la COVID a favorisé l’adoption des nouvelles technologies dans la plupart des secteurs — on n’a qu’à penser au télétravail, au commerce en ligne ou à la télémédecine —, ce n’est pas forcément le cas en éducation.
« Il serait faux de croire que le milieu des technologies éducatives a bénéficié de la pandémie », estime Jean-Guillaume Dumont, responsable du marketing chez Druide informatique, l’entreprise derrière le correcteur Antidote.
« Il doit y avoir un accompagnement derrière les outils technologiques. La pandémie de COVID n’était pas un contexte idéal pour bien s’en servir », a-t-il expliqué à l’occasion de la présentation « Le futur des technologies en éducation : enjeux, défis, écueils, avantages et préjugés », dans le cadre de l’événement MTL connecte, qui se poursuit jusqu’au 17 octobre.
« Avec l’école à distance, on a répondu rapidement à une situation de crise », opine Julie Pigeon, directrice générale d’Edteq, l’Association des Entreprises pour le développement des technologies éducatives au Québec. Mais maintenant que la poussière retombe, les défis auxquels faisaient face les entreprises de technologies éducatives québécoises avant la pandémie sont encore bien présents. En voici cinq.
Vivre avec la mauvaise réputation des géants technos
Les GAFAM ont mauvaise réputation par les temps qui courent, et les entreprises de technologies éducatives d’ici en payent souvent le prix.
« L’école a l’habitude de faire affaire avec des entreprises privées pour acheter des bureaux ou de l’équipement sportif, par exemple, mais les gens s’interrogent quand il est question de technologies, car ils voient les entreprises technos faire plein d’argent dans le reste de nos vies et utiliser nos données personnelles », illustre Catherine Légaré, présidente fondatrice de l’organisation à but non lucratif Academos.
« Mais il ne faut pas confondre l’écosystème québécois avec les GAFAM. Il y a d’ailleurs beaucoup d’OSBL dans le milieu », souligne Jean-Guillaume Dumont. Pour cet ancien enseignant du primaire qui a cofondé la jeune pousse de jeux vidéos éducatifs Ululab, si les entreprises québécoises en technologies éducatives voulaient seulement s’enrichir, elles cibleraient un autre secteur que celui de l’éducation.
« L’impact social est souvent au cœur de la mission de nos entreprises », rappelle d’ailleurs Yann Giroux, cofondateur et PDG d’Oplan, qui propose un écosystème d’outils de gestion du temps pour les enseignants et les étudiants.
Se battre contre la gratuité
Que ce soit dans les groupes d’entraide de professeurs sur Facebook ou dans les salons spécialisés, un élément revient constamment lorsqu’il est question d’adopter un nouvel outil technologique à l’école : la gratuité.
« Les intervenants en éducation cherchent souvent des outils gratuits », observe Catherine Légaré. « C’est un mot populaire dans le milieu, renchérit Jean-Guillaume Dumont. Je comprends pourquoi, car les budgets sont limités. Mais en même temps, personne ne s’attend à ne pas payer pour les livres. Quand on est une entreprise technologique, on doit se battre contre l’idée que puisque c’est virtuel, ça devrait être gratuit. »
Pour le responsable du marketing chez Druide informatique, il s’agit là d’un obstacle important pour les entreprises d’ici, qui doivent développer leurs produits pendant plusieurs années. « Il faut essayer de changer cette mentalité », estime-t-il.
Se faire découvrir
La découvrabilité est un autre enjeu qui a souvent été mis en avant à la conférence de MTL connecte. Pour les entreprises d’ici, surtout les jeunes pousses, il peut être ardu de se faire voir et de faire adopter ses produits par les enseignants.
« Le milieu de l’éducation est très hermétique. Quand on veut proposer une solution, on ne sait jamais s’il faut passer par les enseignants ou, au contraire, convaincre la direction. Pour une jeune pousse, se faire connaître est extrêmement difficile », se désole Jean-Guillaume Dumont.
Souvent, ces entreprises doivent également se battre contre des géants californiens qui ont plus de fonds, mais dont les logiciels ne sont pas forcément aussi bien adaptés à la réalité québécoise.
Former le personnel
« Il y a un manque de culture technologique dans le milieu », observe la présidente fondatrice d’Academos, Catherine Légaré. « Ça amène toutes sortes d’enjeux, comme le fait que les décideurs qui achètent les plateformes technologiques ne savent pas toujours comment elles vont être utilisées, ou ce qu’elles vont apporter. Les enseignants peuvent aussi avoir de la difficulté à voir comment intégrer un outil dans leur pratique », ajoute-t-elle.
La formation représente évidemment une solution pour améliorer la littératie technologique dans le monde de l’éducation. Mais l’idée n’est pas si facile à mettre en place. « On parle beaucoup des problèmes dans le milieu de la santé, mais en éducation aussi, les ressources sont épuisées et manquantes. Même si un professeur a la possibilité de suivre des formations, il n’y a personne pour le remplacer. On vit une crise importante », affirme Jean-Guillaume Dumont.
Convaincre le milieu de l’importance des technologies
Même en 2021, l’importance de la technologie à l’école n’est pas acquise pour tous.
« On doit constamment lutter, sur les tribunes médiatiques, contre des gens qui ont des jugements faciles et biaisés. Ils se fient seulement à leur expérience personnelle et disent que s’ils n’ont pas eu besoin de technologies pour réussir, alors les jeunes d’aujourd’hui non plus », remarque Jean-Guillaume Dumont.
Pourtant, contrairement à ce que certains pourraient penser, les jeunes ne sont pas tous férus de technologies.
« On a fait un sondage il y a trois ans auprès des 14-30 ans, et les résultats étaient clairs. Ils ont besoin d’être accompagnés dans leur apprentissage de la technologie, pour savoir quels outils utiliser, comment se comporter et comment faire face aux défis qui y sont associés. La société a une responsabilité sociale à ce sujet, et la solution passe par l’éducation », croit la présidente fondatrice d’Academos.