Le site d’aide aux devoirs Alloprof vient d’introduire deux nouvelles fonctions qui se servent de l’intelligence artificielle afin de permettre à ses jeunes utilisateurs d’accéder plus facilement aux réponses qu’ils cherchent.
Dans la Zone d’entraide, un forum de discussion chapeauté par des enseignants où les élèves du primaire et du secondaire peuvent poser des questions, un premier outil analyse les demandes et propose du contenu existant qui pourrait satisfaire le jeune, comme une réponse déjà donnée à une question semblable soumise dans le passé, ou encore des fiches explicatives que l’on retrouve ailleurs dans le site.
« De vraies personnes continuent de répondre aux questions, mais au lieu d’attendre parfois jusqu’à une heure pour avoir une réponse, l’élève a instantanément accès à une première piste, ce qui peut lui permettre de poursuivre sa révision », précise Marc-Antoine Tanguay, porte-parole et directeur de la stratégie d’Alloprof.
L’autre nouvelle fonctionnalité est un outil de lecture de texte pour faciliter la compréhension chez certains élèves éprouvant des difficultés de lecture, puisqu’ils pourront se concentrer sur la matière elle-même au lieu d’essayer de déchiffrer les mots. Il peut aussi être utile aux jeunes enfants qui commencent tout juste à lire. « La voix fait des pauses entre les paragraphes, ce n’est pas une lecture rectiligne », note Marc-Antoine Tanguay. L’outil de synthèse vocale est en déploiement pour certaines matières, comme le français et l’histoire, mais il doit encore être peaufiné pour les sciences et les mathématiques, afin qu’il puisse lire les tableaux, par exemple.
Deux projets de fin de baccalauréat
Les 550 000 élèves qui utilisent Alloprof peuvent remercier non pas des chercheurs ou des experts en intelligence artificielle pour ces nouveaux outils, mais plutôt des finissants de Polytechnique Montréal et de l’École de technologie supérieure.
« Nous avons rencontré les responsables d’Alloprof à la fin de 2021 pour les aider à voir comment mieux profiter de tout le contenu sur le site », explique Dany Plourde, conseiller au transfert technologique et à l’innovation à l’Institut de valorisation des données (IVADO) de l’Université de Montréal, une organisation dont une partie de la mission est de permettre à l’industrie et à la société de bénéficier des connaissances générées par la recherche universitaire en intelligence numérique.
Si l’Institut établit souvent des partenariats plus poussés, qui peuvent s’échelonner sur plusieurs années avec des chercheurs et des étudiants des cycles supérieurs, certaines idées d’Alloprof étaient concrètes et faisables rapidement. « Pour des projets du genre, on peut les mettre en relation avec des étudiants de fin de baccalauréat qui se cherchent des mandats industriels à réaliser. On a donc monté deux propositions avec eux, et les deux ont été acceptées par des groupes d’étudiants », souligne Dany Plourde.
Tant le système de recommandations que l’outil de lecture ont donc été programmés par des groupes de finissants en génie logiciel, gratuitement et en quatre mois seulement, lors de la session d’hiver qui vient de se terminer.
« C’est vraiment une histoire de succès, car il est assez rare que des projets du genre en intelligence artificielle soient déployés aussi rapidement », note Dany Plourde.
Pour Alloprof, c’est une aubaine. Un projet comme celui du système de recommandations, par exemple, a demandé 1 350 heures de travail en tout à trois étudiantes et deux étudiants. S’il avait fallu payer de jeunes diplômés à un taux horaire de 40 dollars, qui est réaliste dans le marché, la facture se serait élevée à 54 000 dollars.
Alloprof pourra faire évoluer les nouvelles fonctions à sa guise, puisqu’il a obtenu toute la propriété intellectuelle sur le travail effectué. « On demande aux étudiants de fournir toute la documentation système, ce qui permettra d’ajouter des fonctionnalités ou de les modifier », précise d’ailleurs Lévis Thériault, le maître d’enseignement à Polytechnique Montréal qui a chapeauté le projet.
Du téléphone à l’IA
L’arrivée de l’intelligence artificielle n’est qu’un début pour Alloprof, estime Marc-Antoine Tanguay. « Notre service est né il y a 25 ans autour du téléphone. Nous avons suivi les évolutions technologiques », rappelle-t-il.
D’une simple ligne téléphonique où les enfants parlaient en direct avec les enseignants, le service s’est développé pour intégrer un site Internet, qui a présenté du contenu éducatif, du clavardage, des jeux et des vidéos au fur et à mesure que le Web progressait. « Nous avons toujours voulu nous servir des nouvelles technologies et les adapter à l’éducation. Et là, nous sommes rendus aux algorithmes et à l’intelligence artificielle », explique le porte-parole d’Alloprof.
L’organisme a d’ailleurs en banque plusieurs autres projets où l’intelligence artificielle pourrait être utile. « On a par exemple énormément d’images sur le site, on aimerait avoir un outil pour les identifier afin de faciliter leur découverte et leur consultation par les élèves malvoyants », illustre-t-il.
Chose certaine, Alloprof compte répéter les partenariats avec le milieu universitaire pour y arriver. « C’est certain qu’on va essayer de le faire avec des finissants ou des étudiants des cycles supérieurs pour les projets plus gros. On est un organisme de bienfaisance, et ça nous permet de faire gratuitement de la véritable recherche et développement », se réjouit Marc-Antoine Tanguay.