Trois tendances pour les jeux vidéos de demain

Au salon Electronic Entertainment Expo (E3), à Los Angeles, notre chroniqueur Maxime Johnson observe les changements dans l’offre des studios.

LOS ANGELES — L’industrie du jeu vidéo connaît de grandes transformations, qui touchent la façon dont les jeux sont achetés et la manière d’y jouer et de les regarder. Les tendances que l’on observe à l’Electronic Entertainment Expo (E3), qui se tenait cette semaine à Los Angeles, devraient façonner les œuvres qui seront lancées dans les cinq prochaines années.

Voici trois tendances à suivre.

1. Intégrer les spectateurs dans les jeux

Regarder d’autres joueurs en action, que ce soit dans le cadre d’une compétition de sport électronique ou simplement pour suivre un joueur connu à la maison, est une activité qui gagne en popularité. Le service de diffusion Twitch, créé par le géant Amazon, attire d’ailleurs plus de 10 millions de personnes par jour, qui regardent en moyenne 106 minutes de jeu.

Certains jeux indépendants présentés au E3 commencent à mettre ces spectateurs à profit, notamment The Darwin Project, du jeune studio montréalais Scavengers. Ce mélange entre la série Hunger Games et la téléréalité Le lot du diable permet aux joueurs de s’affronter, et à un présentateur en ligne d’influencer le jeu en changeant les règles. Les spectateurs peuvent aussi prendre part à l’expérience en envoyant des cadeaux aux participants pour les aider à survivre dans cette lutte sans merci.

L’intégration des spectateurs n’est évidemment pas une préoccupation unique aux studios indépendants. Les grandes sociétés s’y intéressent aussi.

« Il faut repenser tous les rôles dans les jeux vidéos. Il y a des joueurs, mais il y a aussi des spectateurs, des diffuseurs, des commanditaires et des créateurs de contenu. Il faut désormais permettre à tous ces gens de participer d’une façon ou d’une autre à l’expérience », estime Jade Raymond, responsable du studio montréalais Motive, rencontrée en marge du E3, où L’actualité était invité dans le cadre d’une mission commerciale de l’Alliance numérique.

Son studio termine d’ailleurs l’histoire d’un jeu à venir, Star Wars Battlefront 2, mais conçoit en parallèle une nouvelle franchise. À écouter celle qui a déjà contribué à la transformation de l’industrie en participant à la création de franchises comme Assassin’s Creed, il y a fort à parier que ce prochain jeu risque de contribuer à cette nouvelle transformation, où les spectateurs deviennent aussi importants que les joueurs eux-mêmes.

2. L’heure est à l’originalité

Pour le cofondateur du studio Scavengers, Simon Darveau, un vétéran dans l’industrie, une autre tendance plus large se fait sentir. « Depuis les années 1990, la meilleure façon de se démarquer dans les jeux vidéos était d’impressionner les foules avec des jeux de plus en plus gros et de plus en plus beaux, explique-t-il. Mais pousser la qualité visuelle pour justifier l’existence d’un produit n’est plus suffisant. »

Parce qu’il est désormais nécessaire de se démarquer autrement, et parce que de nouveaux outils facilitent le travail des développeurs, notamment les petites équipes capables de prendre des risques, l’originalité gagne en importance dans une industrie pourtant connue pour ressasser constamment ses vieilles recettes.

Au E3, beaucoup de jeux d’envergure reprennent encore les formules établies, mais certains titres se démarquent en effet par leur originalité. Dans Sea of Thieves, des joueurs doivent collaborer pour diriger un bateau pirate, et il en résulte une expérience sociale unique, qui compense largement pour les graphiques simplistes du titre.

Dans Detroit : Become Human, le joueur a droit à un nouvel équilibre entre l’interactivité et la narration, qui brise carrément la frontière entre le film et le jeu vidéo. A Way Out réinvente quant à lui l’expérience du jeu à deux joueurs, en racontant une histoire selon deux perspectives en même temps, sur un même écran divisé en deux.

3. Créer des expériences à rétention longue

Alors que les joueurs se contentaient auparavant d’acheter un nouveau jeu, d’y jouer quelques heures et de passer au suivant, les amateurs de jeux vidéos s’attendent désormais à des expériences longues lorsqu’ils découvrent une nouvelle franchise.

Les habitués de titres comme Leagues of Legend ou Overwatch ne comptent pas le temps qu’ils passent devant leur console ou leur ordinateur en heures ou en dizaines d’heures, mais plutôt en centaines, et même en milliers d’heures. 

« On observe une tendance de fond : on est en train de passer d’une industrie de produits à une industrie de services », note le PDG de Ubisoft Montréal, Yannis Mallat, dont le studio produit Rainbow Six Siege et For Honor, deux titres qui s’inscrivent dans cette logique.

Les jeux les plus populaires ne doivent plus offrir uniquement une bonne expérience. Ils doivent évoluer avec le temps, et toujours offrir de plus en plus de contenu pour garder l’attention des joueurs.

Si le E3 2017 est encore dominé par les expériences plus traditionnelles, les jeux seront désormais conçus pour être joués et rejoués ad vitam æternam, et les studios continueront d’ajouter du contenu à leurs jeux tant et aussi longtemps que les joueurs seront au rendez-vous.