Un superordinateur pour Mars

Le superordinateur Spaceborne Computer-2 s’apprête à décoller pour la Station spatiale internationale. Mais ce n’est là qu’une étape intermédiaire avant sa véritable destination : la planète Mars. 

Getty Images / Montage L'actualité

Lorsque la fusée Antares s’envolera vers la Station spatiale internationale (SSI) le 20 février, celle-ci aura à son bord un colis inhabituel : un superordinateur conçu pour permettre la réalisation d’expériences scientifiques et l’analyse de données dans l’espace.  

Spaceborne Computer-2 est le successeur du premier Spaceborne Computer, envoyé vers la SSI en 2017. « À l’époque, nous voulions notamment vérifier s’il survivrait au décollage de la fusée, si les astronautes pourraient l’installer dans la station et s’il résisterait aux conditions dans l’espace pendant au moins un an », note Mark Fernandez, Ph.D., chercheur principal pour le Spaceborne Computer-2 chez Hewlett Packard Enterprise (HPE), lors d’une présentation en ligne organisée pour la presse internationale plus tôt cette semaine.

L’expérience a été un succès, avec un séjour de plus d’un an et demi dans la SSI. Le premier Spaceborne Computer a été capable d’atteindre dans l’espace une puissance de calcul de plus de 1 téraflops, une mesure parfois utilisée pour évaluer la puissance des ordinateurs. La marque est petite comparée aux superordinateurs terrestres (Niagara, le plus puissant superordinateur au Canada, dépasse les 3 000 téraflops), mais elle est quand même largement supérieure à ce que les autres ordinateurs à bord de la SSI ont à offrir. 

Le superordinateur Spaceborne Computer-2 sera envoyé sur la Station spatiale internationale ce mois-ci. Photo : HPE.

Pour cette nouvelle mission, la seconde version du superordinateur spatial sera deux fois plus puissante, et elle restera cette fois-ci de deux à trois ans dans l’espace, soit une durée équivalente à une mission vers Mars. L’appareil sera aussi doté d’un serveur dédié à l’informatique de périphérie, une technologie où les données obtenues à partir de différents capteurs sont analysées localement plutôt qu’envoyées dans des centres de données. Sur Terre, un tel système serait déployé sur une plateforme pétrolière, par exemple. Avec ses cœurs graphiques (qui étaient absents du premier Spaceborne Computer), ce serveur permettra notamment l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle et l’analyse d’images. 

Un tel superordinateur ouvre la porte à toutes sortes d’expériences, note Mark Fernandez. Les données recueillies par les capteurs qui filment la Terre depuis la SSI pour suivre la fonte des calottes polaires pourront, par exemple, être analysées localement plutôt que d’être renvoyées sur Terre. « Les capteurs évoluent beaucoup plus rapidement que la technologie pour communiquer de l’espace à la Terre. Il y a un effet de goulot qui nous limite présentement », dit-il. À l’heure actuelle, certaines données collectées à bord de la station doivent même être retournées sur des disques durs pour être analysées sur la terre ferme, ce qui retarde de plusieurs mois l’obtention des résultats.

Les astronautes pourraient aussi se servir de l’ordinateur pour évaluer la qualité des pièces imprimées en 3D à bord de la station spatiale, par exemple. 

Un ordinateur presque normal

Si les équipements électroniques à bord de la station spatiale sont souvent modifiés et optimisés pour l’espace, ce n’est pas le cas du Spaceborne Computer-2, qui est en tous points identique aux serveurs de HPE vendus sur Terre. Seule l’enceinte dans laquelle l’appareil est installé est unique.

Au lieu d’être durci physiquement, l’ordinateur l’est plutôt à l’aide d’un logiciel, qui surveille les performances de l’appareil en temps réel afin, par exemple, de le ralentir lorsque les niveaux de radiations sont élevés. « Ça permet de protéger le système et de conserver nos données », précise Mark Fernandez. Cette protection logicielle brevetée est notamment plus légère et plus abordable qu’une protection matérielle, en plus de faciliter l’utilisation des toutes dernières technologies. 

Techniquement, le Spaceborne Computer-2 est composé de deux modules identiques, chacun doté de deux types de serveurs (les Edgeline EL4000 et ProLiant DL360, pour les curieux). 

Aujourd’hui la station spatiale, demain la planète Mars

Même si le Spaceborne Computer-2 sera utile dans la station spatiale, son véritable intérêt est surtout à plus long terme, pour accompagner les astronautes vers la Lune et lors des premières missions habitées de la NASA sur Mars, prévues pour la prochaine décennie. 

Un signal radio prend environ 20 minutes pour se rendre de Mars à la Terre. Si les astronautes doivent un jour effectuer des calculs complexes rapidement pour assurer leur survie (pour une nouvelle trajectoire, par exemple), ceux-ci pourraient ne pas avoir le temps d’envoyer leurs demandes à la NASA et d’attendre une réponse. C’est notamment pour ce genre de situations qu’un superordinateur s’avérera essentiel. 

L’ordinateur pourrait aussi être important pour la santé mentale des astronautes. Ces derniers devront en effet s’acquitter de nombreuses tâches quotidiennes, comme s’assurer que certains filtres fonctionnent bien. Ces corvées rébarbatives pourraient être difficiles à endurer psychologiquement pendant une mission de plusieurs années, explique Mark Fernandez. Avec des outils d’intelligence artificielle, l’ordinateur pourrait sans doute automatiser certaines de ces tâches. 

« L’ordinateur ne sera pas responsable de systèmes comme la navigation, les communications et le soutien de la vie », note toutefois le chercheur. Voilà qui devrait rassurer ceux qui compareront inévitablement le superordinateur à HAL 9000 de 2001 : l’odyssée de l’espace

D’autres ordinateurs spécialisés de la NASA, avec des composants adaptés à l’espace et un système d’exploitation différent de ceux utilisés normalement, s’occuperont de ces systèmes essentiels.