Votre aspirateur vous espionne-t-il ?

L’intelligence qui anime vos aspirateurs, caméras et haut-parleurs connectés est artificielle, mais elle utilise des images et des enregistrements sonores qui seront analysés par des humains. Explications de notre chroniqueur techno, Maxime Johnson.

Yeux : Filo / Getty Images ; silhouette : Sofia Polukhina / Getty Images ; montage : L’actualité

Une photo d’elle assise sur la toilette, partagée sur Internet. La honte ! C’est ce qui est arrivé à une femme photographiée à son insu dans sa propre maison par… son aspirateur-robot. 

Les aspirateurs-robots dernier cri sont en effet équipés de caméras, pour se déplacer sans heurter les murs et pour reconnaître les objets. Ils savent que des céréales sur le plancher doivent être aspirées et des câbles de recharge, évités.

Pour permettre cette distinction, des prototypes d’aspirateurs ont dû prendre des millions de photos, qui ont ensuite été classées par des humains et utilisées afin d’entraîner une intelligence artificielle (IA). Dans le cas de la dame sur la toilette, un employé payé pour indiquer les fils, les céréales et autres objets du genre sur les images a publié la photo dans un groupe de discussion privé sur un réseau social, et violé ainsi les règles de confidentialité de l’entreprise. L’incident a été révélé en décembre dans une enquête du magazine MIT Technology Review, propriété du Massachusetts Institute of Technology.

La femme en question avait à la maison un modèle en développement d’iRobot, un fabricant établi aux États-Unis (en voie d’être racheté par Amazon pour 1,7 milliard de dollars américains). Un tel prototype prend plus de photos que les modèles sur le marché actuellement, mais ces derniers réalisent aussi des clichés quasiment à chaque nettoyage. L’application d’iRobot les montre à l’utilisateur avant de les envoyer, pour diminuer le risque qu’un incident semblable survienne.

Sauf que les aspirateurs-robots ne sont pas les seuls objets connectés dotés de caméras ou de microphones. Les millions de haut-parleurs intelligents en service dans le monde enregistrent également des bribes de conversations lorsqu’ils croient avoir entendu leur mot d’activation (comme « Alexa » ou « Hey Google »). Ces extraits seront écoutés par des inconnus payés afin d’améliorer les IA. 

Les propriétaires doivent d’abord donner à l’appareil la permission de transmettre ces données. Mais voilà, souvent, on clique sur OK sans tout lire (l’entente de confidentialité d’iRobot fait 8 000 mots…), ou sans bien comprendre ce que l’on accepte de céder.

Pour certains, les risques associés à ces objets connectés — de tels enregistrements pourraient inclure des informations médicales confidentielles, par exemple — sont suffisants pour les bannir de leur demeure. 

Pour ma part, j’y vais au cas par cas. Je me porte très bien du fait qu’un robot ramasse les miettes à ma place, même si cela signifie que quelqu’un, quelque part, voit à l’occasion les chaussettes qui traînent sous mon lit, mais je refuse d’avoir une caméra de sécurité active quand je suis présent. Et si j’utilise une application pour transcrire mes réunions, j’en choisis une qui le fait hors ligne, sans téléverser les enregistrements sur Internet, pour assurer la confidentialité de ce qui a été dit.

Prendre une décision éclairée demande de faire des efforts (comme lire les ententes de confidentialité) et d’être outillé pour comprendre les technologies en jeu, en se tenant bien informé. 

Mais encore faut-il que l’entreprise explique en détail ce qu’elle compte faire avec les données récoltées, et pourquoi elle en a besoin. C’est rarement le cas, comme le démontre l’enquête du MIT Technology Review. Et c’est d’autant plus préoccupant que les objets connectés se multiplieront dans un avenir proche. Ces informations permettent pourtant au consommateur de bien comprendre ce qu’il utilise et d’exercer son jugement.

Chose certaine, en cas de doute, mieux vaut garder ses sous-vêtements devant son aspirateur.

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