Nous assistons actuellement aux balbutiements d’un réel débat autour d’une plus grande disponibilité légale des drogues au Canada. La légalisation du cannabis a ouvert les esprits quant à l’idée d’une régulation responsable, tandis qu’une augmentation inquiétante des surdoses aux opioïdes a créé un sentiment d’urgence. Les instances de santé publique de Toronto et de Montréal se sont positionnées pour une décriminalisation de la possession et de l’usage de toutes les drogues, afin de pouvoir mettre en place les mesures d’urgence nécessaires à une telle crise. Mais au-delà de l’urgence, quelles sont les options pour une prise en compte efficace et pragmatique de la consommation de drogues ?
« Légaliser toutes les drogues » peut paraître effrayant. Pourtant, lorsque cette proposition est considérée pour ce qu’elle est réellement — une mesure de régulation pragmatique et de gestion des risques entourant certains produits et comportements que la répression a rendus problématiques —, cette option devient raisonnable. Soyons clairs : la légalisation des drogues n’est en rien la libéralisation de ces substances, encore moins leur promotion ou un laxisme de leur régulation pour usage récréatif. En voici un exemple : depuis 25 ans, les médecins suisses prescrivent de l’héroïne pour stabiliser et traiter les patients ayant une dépendance à cette substance. Cette héroïne « légale » n’est associée à aucune hausse de criminalité, aucune violence, aucun décès par surdose ou transmission du VIH, comme c’est le cas lorsqu’elle est fournie par le marché noir. Ce modèle a déjà été mis en avant avec succès comme projet-pilote au Canada.
La « guerre aux drogues », telle que nommée par Nixon, légitime le fait de bafouer les droits de la personne dans plusieurs pays, constitue un obstacle majeur à l’atteinte d’objectifs de santé publique, exacerbe la violence et la criminalité, en plus de coûter des milliards. Alors que la régulation légale du tabac en réduit actuellement l’usage problématique, la consommation d’une variété croissante de drogues est à la hausse dans la majorité des pays. Devrait-on continuer d’investir dans une stratégie qui échoue aussi lamentablement ? Lorsque les décideurs reconnaissent que l’hypocrisie de la prohibition n’a fait qu’amplifier les problématiques liées à la consommation de drogues, ils mettent en place des politiques efficaces pour les réguler.
Quelles substances devraient être accessibles, à qui et où ? Ces questions peuvent paraître complexes, mais il est possible d’y répondre dans un modèle de régulation où l’État, plutôt que des criminels, a repris les commandes plutôt qu’abdiqué toute responsabilité relativement au marché des drogues. Ainsi, les substances à haut risque pourraient n’être offertes que par ordonnance médicale avec un usage supervisé, comme l’héroïne en Suisse. Les substances à risque moyen, dont certains stimulants et drogues utilisés en milieu festif, pourraient être obtenues dans une quantité limitée par personne dans les pharmacies, une fois que le consommateur aura démontré qu’il en comprend les risques. D’autres drogues à risque plus faible pourraient être disponibles auprès de distributeurs autorisés, comme ce sera le cas pour le cannabis.
Une telle régulation optimisée des drogues permettrait d’utiliser les ressources plus efficacement en prévention et traitement, afin d’en faciliter l’accès aux plus vulnérables. Les pouvoirs du marketing d’entreprise, qui ont été fort dommageables pour le tabac et l’alcool, pourraient être mieux déjoués par des politiques strictement appliquées. Une telle régulation, si elle est mise en place de façon responsable, pourrait aussi faire diminuer les incitations à consommer, réduire les risques courus par ceux qui consomment malgré tout et permettre d’investir dans des interventions de santé publique reconnues comme efficaces.
La guerre aux drogues a échoué. Le Canada a maintenant la possibilité de réaffirmer son rôle de leader en matière de réforme des drogues en y mettant réellement fin. Saisirons-nous cette occasion ?
David-Martin Milot est médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive (Canada), fellow en recherche sur la législation des drogues et les normes sociales (France et Royaume-Uni)
Steve Rolles est analyste politique principal à Transform Drug Policy Foundation (Royaume-Uni)
Je ne suis consommateur d’aucune drogue et n’ai donc aucun avantage à retirer d’un quelconque changement mais combien je trouve ce texte brillant, clair et surtout empreint du plus simple « gros bon sens ». Ce GROS BON SENS que l’on échappe trop souvent à vouloir régir de manière légaliste et coercitive, qui plus est en mode « mur à mur » parce que, soi-disant, plus simple, moins exigeant et moins couteux!
Merci! La fenêtre d’opportunité est ouverte pour un débat sur une législation plus pragmatique des substances psychoactives au Canada. Il est important de considérer toutes les options… et malgré la loi qui reste inébranlable (et malheureusement intouchable) dans plusieurs pays, on observe des initiatives locales ou régionales de légalisation (lire ici ‘meilleure régulation’) de différentes drogues. Cette option est loin d’être une utopie.
C’est le genre d’âneries idéologiques qui me fait pester contre mon magazine. Ce n’est pas un « constat », un « rapport » un « reportage », c’est plutôt un plaidoyer dogmatique hautement teinté qui consiste à se positionner idéologiquement contre une autre idéologie, ou plus simplement à porte-à-faux des tenants d’une idéologie opposée. Exemple: « Je suis pour la légalisation parce que je suis contre ceux qui ont criminalisé »… Cela apparaît une pensée très mince, primaire, immature, mais si bien cousue de « récréatif », « festif » et de plein d’adjectifs rehausseurs, ne manquait plus que la sainte « ouverture d’esprit ». Qui est vraiment fermé d’esprit? J’en ai ma petite idée… Quand je lis « Nous assistons actuellement aux balbutiements d’un réel débat… » je sais bien que le réel débat va alors exclure tous ceux dont on aura déterminé l’impertinence, c’est un débat dont l’issue est scriptée. Ajoutons-y de la pensée magique: « Ainsi, les substances à haut risque pourraient n’être offertes que par ordonnance médicale avec un usage supervisé, comme l’héroïne en Suisse. »… Ah bien si on y avait pas pensé plus tôt! On va le donner par ordonnance médicale, et tout sera réglé, le marché noir va disparaître! Il n’y aura plus d’overdoses, plus de misère et de criminalité pour se procurer du poison qui fait buzzer par injection, comme par magie! Fumez-en, vous allez comprendre comme eux? Encore, « la consommation d’une variété croissante de drogues est à la hausse dans la majorité des pays »… où sont les données? C’est plutôt vague l’expression majorité de pays… Peut-on comparer les époques, les effets, les décès reliés par juridiction avec tous les facteurs en jeu? On a quand même pas l’impression de revivre l’invation du crack, de la coke, du LSD… du moins au Canada, encore une fois, les « crises » semblent plutôt relativement amorties, cela aussi grâce à des différences culturelles et socio-économiques notables d’avec nos voisins du sud. Ici, « Les instances de santé publique de Toronto et de Montréal se sont positionnées pour une décriminalisation de la possession et de l’usage de toutes les drogues, afin de pouvoir mettre en place les mesures d’urgence nécessaires à une telle crise. » Manipulation: Décriminaliser, et légaliser, c’est deux choses différentes. Pis, « La guerre aux drogues a échoué »… est une conclusion fallacieuse, superficielle, qui s’applique aussi à la consommation de pornographie juvénile tant qu’à y être: Vu qu’il y aura toujours des pédos, on devrait alors « légaliser »? Méprisable! Des « chercheurs » qui excluent des facteurs dans leurs analyses pour être certains d’arriver aux conclusions qu’ils ont déterminé d’avance… j’appelle ça de la pseudoscience. Pour terminer, il reste l’expression « hypocrisie de la prohibition » qui me laisse perplexe… quand on traite les autres d’hypocrites, mieux vaut ne pas en être un soi-même.
Décriminalisation de possession sans but d’en faire le trafic et d’usage, d’accord.
La légalisation c’est différent et je reste contre.
Cet article envoie un message faux sur une hypothétique légalisation des stupéfiants.
1— Il convient d’abord de préciser qu’il existe des traités adoptés par les Nations Unies pour lutter contre les drogues. Le Canada est signataire de ces traités. J’imagine mal comment et pourquoi le Canada devrait adopter des dispositions qui aillent à l’encontre de ces principes.
Les traités adoptés par les Nations Unies visent d’abord à lutter contre les abus de drogue. Les dispositions relèvent d’abord de la santé publique et encore de la sécurité publique. L’usage de certaines substances psychotropes peut être réglementé.
2— Contrairement à l’idée qui pourrait être reçue, la Suisse n’a jamais légalisé les drogues pas même le cannabis et encore moins l’héroïne. Simplement la loi permet à des fins médicales et scientifiques de prescrire cette substance à des patients qui en ont besoin.
En principe cela s’inscrit dans une démarche qui vise à obtenir le sevrage. Donc dans le cadre d’une cure de désintoxication.
La loi Suisse est on ne peut plus claire, elle repose sur quatre piliers : prévention, thérapie, réduction des risques et répression. Ses amendements ont été adoptés par référendum en 2011.
3— Contrairement à l’idée encore véhiculée, il n’y a pas de « guerre aux drogues » ; spécifiquement il y a lutte contre le « crime organisé ». C’est d’ailleurs ce qui est au cœur du problème. La légalisation d’une ou de plusieurs drogues ou de toutes les drogues couperait-elle l’herbe sous le pied du crime organisé ?
Faudrait-il légaliser toutes les formes de crimes sans nulle exception pour pouvoir vivre en paix ? Devrait-on renoncer à lutter contre le banditisme et la criminalité ? Sommes-nous prêts à vivre avec ces choix et les conséquences de ces choix ?
4— Cet article établi une distinction purement fictive entre les risques des substances et la nécessité d’une réglementation adaptée à chacune des substances. La réalité est qu’il n’existe pas à ma connaissance d’études sérieuses pour déterminer les risques spécifiques inhérents pour chaque produits connus, on laisse donc au pouvoir public le choix arbitraire de ces déterminations.
La Suisse qui est effectivement un des pays qui a poussé le plus loin la réflexion ; est encore l’un des pays qui a le mieux compris que les risques les plus évidents sont ceux de la poly-toxicomanie et non les risques attachés à une seule substance.
Prenons un exemple : quel est le niveau de risque de la cocaïne ? Comment doit-elle être consommée ? Doit-elle être mise en vente libre comme le cannabis prochainement ? Faudrait-il la vendre en pharmacie en quantité limitée ? Ou seulement sur prescription du médecin ? Vers qui vont se tourner les consommateurs qui n’ont pu s’en procurer ? Celles et ceux qui en veulent plus parce que c’est leur style de vie ? Ceux ou celles qui entendent conserver l’anonymat ?
Que faire si le crime organisé casse les prix et inonde le marché ? Que faire avec un produit de synthèse de remplacement non réglementé ? Comment faire la distinction entre une consommation légale et une qui ne le serait toujours pas ?
— Conclusions :
Il ne peut malheureusement pas exister quelque forme de normalité acceptable lorsqu’on est confronté à quelque problème de consommation. L’une des voies simples proposée par le NPD notamment, c’est de décriminaliser les consommateurs. Encore faut-ils que ces consommateurs choisissent d’adopter une démarche thérapeutique proactive.
Ce sont les relations d’aide qu’il faut en tout premier lieu rendre accessibles et privilégier. C’est l’accès au logement, à des revenus décents qui devraient être les priorités entre toutes pour prévenir toutes formes de consommations préjudiciables pour l’équilibre et pour la santé.
— Lorsqu’on consomme une drogue, il y existe toujours une raison.
Félicitations !
Les textes aussi clairs tout en étant justes et informatifs sont rares.
Pas fou!! J’aime cette idée 🙂
Je pense personnellement que la première approche qui est appliqué maintenant dans quelques pays serait celle de la décriminalisation des drogues. Les pays qui ont adoptés cette approche veulent avant tout aider les gens qui ont une dépendance. Je suis d’accord que nous allons devoir socialement nous questionner ouvertement sur le sujet et évaluer toutes les options possibles. L’approche de la répression des drogues ne marche tout simplement pas.
En théorie, c’est beau, mais ça contribuera à la décadence de la société. Oui, il y a des overdose, mais peu comparé à ce qui arriverait.
Oui, pourquoi pas? Nous pourrions ainsi faire d’une pierre deux coups : cesser de dilapider des sommes colossales dans des politiques prohibitionnistes stériles, puis couper l’herbe sous le pied du crime organisé qui s’enrichit d’un tel commerce aux dépens de la société depuis des lustres.
Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’un produit est légal que les gens en abusent forcément. À titre d’exemple, l’alcool a beau être légal, je ne passe pas mes journées à m’enivrer. Je me réjouis cependant de savoir que celles et ceux qui souhaitent en consommer peuvent s’en procurer en un lieu sûr et sans risquer ultérieurement d’être atteints de cécité parce que le produit est frelaté.
Plus jeune, j’ai consommé quelques drogues, la jeunesse s’est passé mais à certaines occasions, j’en consommerais encore, mais je n’ai plus de contacts pour en trouver ; mdma, champignons magiques ou LSD.
J’ai toujours été raisonnable dans mes consommations, et je ne comprend pas ce qu’il y a d’immoral de consommer comme je le faisais.
Je ne crois pas que l’état et la morale font bon ménage, et je pense que la légalisation donnerait les moyens aux autorités d’agir pour prévenir la toxicomanie.